Jaguar SS100 | La plus élégante des Jaguar d’avant-guerre

La SS100 voit le jour en septembre 1935. C’est un roadster deux places muni d’une capote. Fabriqué entre 1935 et 1941, on compte 198 exemplaires de la SS100 2.5. Une seconde version, équipée d’un 3.5-Litre, est produite à 116 exemplaires entre 1937 et 1941.

C’est vrai qu’aujourd’hui, les initiales SS rappellent une époque empreinte de barbarie. Mais en 1935, ce n’était pas encore le cas. D’ailleurs, pour Sir William Lyons, il s’agissait de l’acronyme Swallow Sport, alors que pour Sir John Black, c’était celui de Standard Special.

Du side-car à la SS100 | Sir William Lyons entre dans la cour des grands

1938 Jaguar SS100 2.5-Litre dessin intemporel de Sir William Lyons.

Le jeune William Lyons réalise son premier side-car à l’âge de 20 ans. Un an plus tard, avec William Walmsley, ils créent la Swallow Side-Car Company. Puis, ils s’attaquent à l’automobile. En effet, les voitures leur semblent tellement banales qu’ils se lancent dans leur personnalisation. Ils proposent alors de modifier la sellerie, la peinture, voire carrément tout le véhicule. Nous leur devons les Austin Swallow, sur base de Seven. D’autres marques, ensuite, seront accolées à Swallow.

Le propre de l’entrepreneur est de savoir prendre des risques. Honorer une commande de 500 Austin Swallow de la part du plus gros distributeur du Royaume-Uni, Bert Henly, en était un de taille. Il aurait pu signer la fin des deux artisans. Surprise passée, William Lyons se décide à prendre ce risque. Dans la foulée, déménagement de Blackpool à Coventry et engagement d’un millier d’ouvriers. L’aventure continue. Il soumet un cahier des charges à Sir John Black, alors PDG de Standard Motor Company, qui fabrique le châssis de celle qui allait devenir la SS.

La SS 100 voit donc le jour en 1935. Elle est toujours équipée du moteur Standard Twenty qui évolue par rapport à la version de la SS90. Les soupapes latérales disparaissent au profit de soupapes en tête, œuvre d’Harry Westlake. Le 6 cylindres offre une cylindrée de 2663 cm³ dont la puissance dépasse les 100 chevaux. Il est équipé de deux carburateurs S.U. H4 et accolé à une boîte de vitesses à 4 rapports Moss (1re non synchronisée). La carrosserie est un roadster deux places avec capote. Il y aura 198 exemplaires de la SS100 2.5, entre 1936 et 1941, 116 exemplaires d’un 3.5-Litre, entre 1937 et 1941.

Jaguar SS100 2.5-Litre | Présentation

Une ligne à tomber

1938 Jaguar SS100 2.5-Litre quel que soit l’angle, elle est magnifique.

Nous voici devant la Jaguar SS100 2.5-Litre mise à notre disposition par l’Oldtimer Galerie. Livrée noire, cuir beige, un immense capot et des ailes qui n’en finissent pas. Un dessin qui vous laisse sans voix. Vous tombez amoureux de suite de ce roadster. Les proportions sont quasi parfaites. Les énormes roues de 18 pouces à rayons sont tout simplement splendides. Les gros phares vous regardent l’air de dire : « Alors, tu montes ? » La porte, très échancrée, s’ouvre en sens inverse. Le pare-brise est rabattable et laisse place à deux saute-vent. À noter que toutes les SS ont le volant à droite. Une fois la porte ouverte, vous devez vous glisser derrière l’énorme volant pour trouver place dans un siège semi-baquet. Pas de poignée pour ouvrir ou fermer la porte, mais une simple chaîne.

Un véhicule personnalisé

1938 Jaguar SS100 2.5-Litre volant de chez Bluemel’s Brooklands.

Face au conducteur, deux gros cadrans pour le compte-tours et le compteur kilométrique. Il faut noter que cette disposition n’est pas conforme à l’original. En effet, le compte-tours se trouve à gauche et le compteur en miles se trouve à droite. Sans doute une modification apportée par l’un des propriétaires précédents lors d’une restauration. De même, la planche de bord doit être peinte de la même couleur que la carrosserie. Or, celle de notre voiture d’essai est en aluminium bouchonné. Toujours un choix d’un précédent propriétaire. Des éléments ont été ajoutés comme les clignotants et les deux feux arrière afin que le véhicule puisse être homologué en Suisse.

Au volant de la Jaguar SS100 2.5-Litre

1938 Jaguar SS100 2.5-Litre ouverture des portières en sens inverse de la marche.

Exiguïté de l’habitacle

Nous sommes installés dans la SS100. Pas trop de place, juste ce qu’il faut. Tour de clef puis appuyer sur le démarreur et le 6 cylindres s’ébroue immédiatement. Le bruit des deux échappements est envoûtant. L’embrayage résiste un peu, première en haut et à gauche, démarrage en douceur, ouf, elle roule. Mais le grand volant prend beaucoup de place. Volant non d’origine, celui provient de la société Bluemel’s Brooklands (lien). Seconde, troisième, quatrième, le vent fouette le visage et nous nous retrouvons aisément à une vitesse inavouable. Coup d’œil au compteur. Eh bien non, nous sommes à septante, pas plus. Comme quoi les repères changent en fonction des autos.

Des freins à la hauteur

Sur les petites routes bernoises, la voiture sautille, mais sans plus. L’amortissement à lames fait son office. La direction de notre modèle d’essai manque un peu de précision. Sans danger, cependant, pour notre sécurité. Premier virage et moment de tension. Pas du tout. Les freins sont à la hauteur de la bête. Il faut dire que les Bendix à câbles de la 90 ont été avantageusement remplacés par des Girling à tiges. Cependant, le réglage n’est pas à la portée du premier venu. À tenir compte si vous achetez une SS100. Pendant notre essai, que faire de la jambe gauche. Il n’y a pas de dégagement pour elle, il y a l’arbre de transmission. Bon, d’accord, il suffit de la relever. Mais elle vient toucher ce satané volant. Bon débrouille-toi et fais comme tu peux.

Savoir anticiper

Revenons à notre conduite, les vitesses passent aussi bien en montant qu’en descendant. La course est relativement courte. Le fait que le levier de vitesses se trouve à droite ne handicape pas la conduite. C’est un coup à prendre. Malgré le pare-brise, les remous d’air sont importants. Nous comprenons mieux les casques en cuir de l’époque. Votre conjointe risque de ressembler à Bridget Jones (pour ceux qui connaissent le film) lors de son escapade avec Hugh Grant. Nous n’avons pas atteint les 100 miles/h, nous nous sommes contentés des 100 km/h. Ce qui est déjà suffisant sur les routes empruntées. Aucune critique majeure côté freinage si ce n’est, comme pour beaucoup d’autres voitures de cette époque, une forte anticipation.

Jaguar SS100 2.5-Litre | Les points forts et les points faibles

1938 Jaguar SS100 2.5-Litre phares Lucas type QK 596 appelés P90.

Nous parlons d’une voiture de la fin des années 30. Nous ne pouvons décemment parler de points forts ou faibles. Vous devez considérer cette SS100 2.5-Litre comme une œuvre d’art. Nous pouvons toujours critiquer la position de conduite ou les remous d’air, mais nous sommes en 1935. Il s’agit d’une vraie voiture de sport comme seuls les Anglais savaient le faire. Avant tout, il faut mettre en avant sa ligne incroyable. Le dessin est intemporel. Penser plutôt au génie de Sir William Lyons. Bien sûr, si vous désirez acquérir une telle auto, vous devrez trouver un mécano à la hauteur.

Acheter une Jaguar SS100 2.5-Litre ou non ?

1938 Jaguar SS100 2.5-Litre un roadster qui mérite que vous vous y intéressiez.

Nombre restreint de voitures originales

Tout d’abord, au regard du nombre fabriqué – 198 – cela ne va pas être facile d’en trouver une. Celle que nous avons essayée fait partie de la vente aux enchères du 29 décembre 2022 à Gstaad. Comptez entre CHF 150 000 et 200 000 pour une 2.5-Litre et à partir de CHF 300 000 pour une 3.5-Litre. Sachez qu’il existe aussi des répliques, fabriquées par Suffolk Sportscars au Royaume-Uni (entre autres). La société n’existe plus, mais vous pouvez trouver ces répliques sur Internet ou via des ventes aux enchères. Elles ont le look de la SS100 mais utilisent des composants de modèles plus récents. À vous de voir. Les prix sont nettement plus abordables.

Originale ou réplique

Pour ne pas vous tromper, contrôlez le numéro de châssis. Les 2.5-Litre fabriquées entre 1936 et 1937 démarrent à 18001 et au-delà. Celles fabriquées entre 1938 et 1941 partent de 49001 et au-delà. Quant aux versions 3.5-Litres, elles commencent à 39001 et au-delà. Souvenez-vous, 198 construites avec le moteur 2.5-Litre et 116 avec le moteur 3.5-Litre. Sur les répliques, il est courant de trouver le 4.2-Litre des séries XJ ou des moteurs Ford, soit en boîte manuelle, soit en boîte automatique. Toutefois, faites attention aux arnaques. Notre dernier conseil : prenez contact avec le club Jaguar de votre pays. Il vous sera de bons conseils avant d’acheter une fausse SS100 pour le prix d’une vraie.

Le grain de sel de Marie-Judith

1938 Jaguar SS100 2.5-Litre 198 exemplaires.

Je suis ce que l’on peut appeler un Candide. En effet, je suis la passagère et je me contente d’analyser mes émotions. Donc, côté technique, on oublie tout. Je l’avoue, cette SS 100 m’a fait de l’œil dès que nous nous sommes vues. Il n’était pas prévu que nous fassions plus ample connaissance, mais le destin, quelques fois, fait bien les choses.

Je suis tombée amoureuse de cette élégante carrosserie. Vous savez, cette longue vague qui recouvre la roue avant, s’abaisse en marche pied et poursuit sa course jusque sur la roue arrière. Voluptueuse et si sexy. C’est donc avec anticipation et le cœur battant que j’ai pris place à la gauche du conducteur. Volant à droite oblige. Je n’étais pas préparée. Heureusement, j’avais une longue écharpe. Cela m’a évité la coiffure à la lionne de la fameuse Bridget Jones (encore elle !). Je n’étais sans doute pas assez couverte pour l’aventure. Même à vitesse modérée, l’air fouette le visage et l’on sent tout de suite la fraîcheur. En revanche, mon regard n’arrivait pas à se détacher de ce long capot. J’avais envie d’être belle pour elle, vous savez, à l’extérieur comme à l’intérieur. Cela ne peut pas s’expliquer.

Cette voiture sportive a participé à de nombreuses courses. Je pense que la plupart des pilotes étaient des hommes. Quels étaient leurs sentiments vis-à-vis de leur automobile. Étaient-ils émus par sa ligne racée, ses grands phares ronds, son capot interminable ? Si oui, cela signifie que les hommes et les femmes, pourtant si différents, peuvent se rejoindre sur la beauté et la sensibilité.

Vintage Car Magazine vous donne son avis

1938 Jaguar SS100 2.5-Litre les grilles protègent les optiques des projections de cailloux.

C’est avec beaucoup de regrets que nous avons rendu à son propriétaire la SS100 de notre essai. Quel merveilleux moment au volant d’une voiture d’une époque que nous n’avons pas connue. Une époque où les constructeurs savaient faire de vraies autos sportives. Les pilotes d’alors étaient de vrais pilotes. Aucune aide à la conduite. La moindre faute ne pardonnait pas. Mais quel plaisir de pouvoir être assis derrière le volant d’une telle voiture. Aujourd’hui, cette Jaguar SS100 est une réelle voiture plaisir. Elle aurait toute sa place dans un rallye historique. Elle demande un peu de poigne. C’est une authentique voiture de sport à apprivoiser. Malgré certaines mises à jour à entreprendre sur cette SS100 2.5-Litre de 1938, elle en vaut la peine. Alors rendez-vous à Gstaad, le 29 décembre 2022, nous nous y croiserons sans doute.

1938 Jaguar SS100 2.5-Litre Heritage Trust Certificate.

Nous adressons tous nos remerciements à Michel Beaurain, administrateur, documentaliste et coordinateur technique du French Jaguar Drivers’s Club pour ses précieux conseils et son expertise sur la Jaguar SS100 2.5-Litre.

Nos remerciements également à Joël Robin et ses collègues du Jaguar Drivers’ Club Belgium pour leurs explications sur la Jaguar SS100 2.5-Litre présente sur le stand lors de la dernière édition d’InterClassics à Bruxelles.

Revenir à la présentation principale de la vente aux enchères du 29 décembre 2022 à Gstaad.

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